L'abbé Louis Henri Planson
1867-1936
par Johanie de Valliaco
Carton de vitrail
Vitrail de « L’Annonciation »
en l'église Saint-Germain de La Châtre
L’Abbé Henri Planson est l’auteur du carton du vitrail « L’Annonciation » créé par Félix Gaudin en 1904, destiné au transept nord de l’église Saint-Germain de La Châtre (36), détruite le 8 décembre 1896 lors de l’effondrement du clocher entraînant celui de la nef.
Carton mêlant style gothique flamboyant pour les éléments architecturaux supérieurs et inférieurs, style gothique XIIe/XIIIe pour les cartouches avec les femmes célèbres et un pied dans l’art nouveau concernant les deux personnages principaux. On reste finalement dans une approche très composite et synthétique assez caractéristique du renouveau du vitrail initié dans la seconde moitié du XIXe siècle.
Le vitrail de dix mètres de haut se compose de quatre lancettes représentant la Vierge en prière, agenouillée devant l’Archange Gabriel, sur un fond de médaillons représentant des anges, en bleu, et des femmes de l’Ancien Testament (Judith, Sarah, Esther, Rebecca, Eve, et Ruth).
L’Archange Gabriel, messager de Dieu, se révéle à Marie et lui annonce qu’elle va donner naissance à l’enfant né de l’Esprit Saint.
Au-dessus de cette scène, dans les deux premières lancettes, les armes des principales villes du Berry.
De gauche à droite : Issoudun, La Châtre, Châteauroux, Bourges.
Dans la troisième lancette, le blason des deux familles donatrices : Béguin et Veillat.
Dans la quatrième lancette, quelque peu cachés derrière les ailes de l'archange, les blasons des Papes Léon XIII (1810-1903) et Pie X (1903-1914) qui exercèrent tous deux leur pontificat dans la période de réalisation du vitrail.
En-dessous de la scène de l’Annonciation, un bandeau sur lequel est écrit :
A LA MEMOIRE DE JULES CYPRIEN BEGUIN + LE 25 MARS 1900
Jules Cyprien Béguin, le donateur, né le 23 septembre 1826 à Châteaumeillant, époux de Marie Genny Veillat, née le 10 janvier 1835 à Châteauroux, fut notaire et conseiller municipal de La Châtre. Il décéda le 25 mars 1900 à La Châtre soit quatre ans avant la bénédiction de la nouvelle église.
Les médaillons de femmes de L’Ancien testament
Ils sont au nombre de huit mais seulement six sont réellement explicites.
Judith
Judith prit la décision de chasser les assyriens de sa ville juive de Béthanie. Elle pénétra avec sa servante dans le camp ennemi du général Holopherne. Séduit par la beauté de Judith, celui-ci organisa un grand banquet où elle fut conviée. Judith fit boire le général et, à la nuit tombée, quand il fut hors d’état de se défendre, elle s’empara de son cimeterre. Avec l’aide de sa servante, elle saisit Holopherne par les cheveux et le décapita. Sa tête fut suspendue aux remparts de la ville. Quand les soldats assyriens découvrirent le lendemain matin la tête de leur chef, pris de panique, ils s’enfuirent.
Sur le vitrail, l’Abbé Planson a représenté Judith brandissant une palme, symbole de son triomphe, et la tête d’Holopherne dans les mains de sa servante.
Sarah
Sarah, l’épouse d’Abraham, n’est plus en âge d’enfanter. Pourtant, Dieu se révéla à Abraham et lui annonça :
« Dans un an, Sarah aura un fils et tu l’appelleras Isaac. »
A ces mots, Abraham qui approchait les cent ans ne put s’empêcher de rire.
L’Abbé Planson a représenté Abraham annonçant à Sarah la bonne nouvelle. Ce qui la fit, elle aussi, bien rire.
La prédiction se réalisera.
L’enfant sera appelé Isaac, qui signifie « a bien ri ».
Le médaillon placé sous les mains de la Vierge n’est visible qu’en partie : une femme et son bébé dans un berceau. On peut supposer qu’il s’agit de Sarah et de son enfant Isaac.
Esther
Esther, jeune femme d’une grande beauté, habitait chez son oncle Mardochée, fonctionnaire au palais du Roi de Perse, Assuérus, grand ennemi des juifs. Celui-ci cherchait une épouse pour remplacer Vashti qu’il venait de répudier pour avoir refusé de se présenter à un banquet. De toutes les femmes du Harem, ce fut Esther qu’il choisit pour épouse sans savoir qu’elle était juive.
L’Abbé Planson représenta le roi de Perse posant le diadème royal sur la tête d’Esther.
Rebecca
Rebecca, très belle jeune femme, avait quitté ses parents pour épouser un homme qu’elle n’avait jamais vu et dont elle ne savait rien, Isaac. Elle resta stérile les vingt premières années de son mariage. Isaac implora l’Eternel et fut exaucé.
Il semble que dans ce cartouche, l’Abbé Planson ait représenté Rebecca enceinte annonçant à Isaac qu’elle attendait des jumeaux : Esaü et Jacob.
Eve
Au jardin d’Eden, le perfide serpent fit succomber Eve à la tentation de cueillir le fruit que Dieu lui avait portant défendu.
Ruth
Depuis le décès de son mari, Ruth vivait pauvrement avec sa belle-mère sur les terres de Boaz, un parent lointain. Ce dernier prit Ruth sous sa protection et lui permit de glaner dans ses champs. Boaz épousera Ruth qui lui donnera un fils, Jessé, lui-même père du Roi David.
L’Abbé Planson a représenté Ruth ramassant des épis de blé pour sa belle-mère. Derrière elle, Boaz, son futur époux.
Ezéchiel
Daniel
Au bas du vitrail, dans des quadrilobes, les quatre prophètes de l’Ancien Testament tiennent en leurs mains un phylactère sur lequel on peut lire un texte écrit par eux sur le sujet précis de l’Immaculée Conception, en rapport donc avec le thème central du vitrail.
Ezéchiel prophétisa : « Porta haec clausa erit non aparietur »
« Cette porte est fermée et on ne l’ouvrira pas »
Allusion à la porte est du Temple : Dieu d’Israël est passé par là, elle doit rester fermée.
Daniel, lui, reprit la phrase d’un psaume (poème religieux qui sert de prière et de chant dans la liturgie) au sujet du Roi promis :
« Il descendra comme la pluie sur le regain, comme la bruine mouillant la terre »
Jérémie
Isaïe
Le prophète Jérémie annonça :
« Creavit Dominus novum super terram femina circumdabit virum »
« Le Seigneur a fait du nouveau sur la terre, la femme entourera l’homme »
Isaïe prophétisa :
« Ecce Virgo concipit et pariet filium »
« Voici que la Vierge concevra et enfantera un fils. »
Dans les oculi du tympan, deux anges, l’un tenant une couronne d’étoiles, l’autre la croix et la couronne d’épines
JLa couronne à douze étoiles symbolise ici la Vierge Marie.
La croix et la couronne d’épines rappellent la crucifixion de Jésus.
Encore plus haut, dans le quadrilobe central, Dieu le Père bénit deux femmes, Eve et Marie.
La colombe, l’âme de Dieu, le Saint-Esprit, apporte l’espoir et le bonheur.
Photo : Thierry Cantalupo
Consécration de l’église Saint-Germain de La Châtre
Elle eut lieu le dimanche 16 octobre 1904. Elle est relatée dans la Semaine Religieuse du Diocèse de Bourges du 22 octobre ainsi que dans le journal local, l’Echo de L’Indre, du 21 octobre.
Dans cette église, un vitrail créé par Lux Fournier de Tours donne un aperçu de la cérémonie.
Celle-ci commença dès huit heures du matin par la consécration intérieure et extérieure de l'église suivie d'une procession dans les rues de la ville où furent portées les reliques au milieu d' une foule considérable et recueillie.
Cette procession fut conduite par l’abbé Lamoureux, archiprêtre de La Châtre.
Notons sur le vitrail que si sa physionomie est d’un réalisme inoui c’est que le maître-verrier Lux Fournier a utilisé ici une technique bien particulière, le vitrail photographique, qui consiste à développer une photographie sur un verre cuit à 600° pour la rendre immarcescible. Ce procédé permet d’obtenir le reflet exact de la personne, formidable témoignage d’un instant bien précis.
Derrière l’Abbé Lamoureux, quatre évêques :
Mgr Servonnet, archevêque de Bourges
Mgr Béguinot, évêque de Nîmes, ancien vicaire de Bourges, né à Bannay (18)
Mgr Maillet, évêque de Saint-Claude, né à Bourges (18)
Mgr Roisssant, évêque titulaire d’Usula (in partibus infidelium), évêque auxiliaire de Mgr Doulcet (évêque de Nicopolis en Bulgarie), né à Bommiers (36)
Etait également présent le Révérent Père Abbé de Fontgombault, chassé de son abbaye par la loi de 1901.
De très nombreux chanoines, vicaires, archiprêtres, prêtres du diocèse de Bourges (Cher et Indre) avaient accepté l’invitation.
Parmi les laïcs, étaient présents le député de l’arrondissement, les maires de La Châtre et des environs, les membres du Conseil de Fabrique, les bienfaiteurs de l’église, les souscripteurs, l’architecte Henri Dauvergne de Châteauroux, le maître-verrier Félix Gaudin de Paris...
Les solennités de la consécration, favorisées par le beau temps, furent suivies d'une messe célébrée par l'archiprêtre de La Châtre, l'abbé Lamoureux, d'un déjeûner dans la cour de l'ancien couvent des Dominicaines où furent conviées cent vingt personnalités dont quatre-vingts prêtres et enfin des vêpres.
Le talent des musiciens et chanteurs qui occupaient la tribune vint ajouter à la magnificence de la consécration de la nouvelle église et à la splendeur du bâtiment.
De cette inoubliable journée, l’abbé Henri Planson en conservera fidèlement le souvenir.
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